THEATRE

Le Conte d’hiver au Théâtre 13 : Shakespeare incandescent, à ne pas manquer

today25 septembre 2025 68 5

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Il y a des spectacles qui rappellent pourquoi le théâtre demeure cet art vivant, imprévisible et nécessaire. Le Conte d’hiver, mis en scène par Agathe Mazouin et Guillaume Morel au Théâtre 13 / Bibliothèque, en fait partie. Shakespeare y est à la fois sombre et lumineux, cruel et merveilleux. Et ce duo de metteur·euses en scène, soutenu par la Compagnie Quand il fera nuit, réussit à en faire résonner toute la puissance dans notre présent.

Dès les premières scènes, on est happé par la chute vertigineuse d’un royaume paisible dans la folie d’un seul homme. Léontes, roi jaloux jusqu’à l’aveuglement, orchestre la destruction de sa femme enceinte et l’abandon de son enfant. La pièce expose frontalement ce que l’on nomme aujourd’hui un féminicide. Ici, pas de distance : le spectateur est confronté à la mécanique brutale du pouvoir patriarcal, à sa violence nue. C’est dur, c’est nécessaire, et c’est brillamment porté par une troupe qui joue sans concession.

Mais Shakespeare ne se réduit jamais au tragique. En Bohème, l’enfant abandonné grandit, la farce reprend ses droits, la fête explose et la vie reprend. La mise en scène de Mazouin et Morel capte cet équilibre fragile entre cauchemar et miracle, entre délire et rédemption. Grâce à la traduction percutante de Bernard-Marie Koltès, le texte respire une énergie contemporaine, une langue claire, sans poussière.

Ce qui frappe surtout, c’est la cohérence de l’ensemble. La distribution – Louis Battistelli, Myriam Fichter, Joaquim Fossi, Mathias Zakhar, Mohamed Guerbi, Tom Menanteau (en alternance avec Léo Zagagnoni), Olenka Ilunga, Eva Lallier Juan, Julie Tedesco, Zoé Van Herck, Padrig Vion, Neil-Adam Mohammedi compose une fresque humaine d’une rare intensité. Chacun, chacune, existe avec force. On sent l’appétit d’une génération, formée au CNSAD, qui refuse les demi-mesures et jette tout son corps dans le jeu.

Ce Conte d’hiver n’est pas un spectacle aimable ou décoratif. C’est une œuvre rugueuse, vibrante, où la douleur de l’injustice se mêle à l’élan vital du printemps. En sortant de la salle, on porte encore la violence du roi, mais aussi l’image d’un monde où la magie, le pardon et l’imagination ouvrent des issues.

On le dit rarement avec autant d’évidence : voici un spectacle à ne surtout pas manquer. Shakespeare y retrouve son souffle le plus brûlant, et le Théâtre 13 confirme son rôle de scène révélatrice des metteur·euses en scène de demain.

Écrit par: SPEED

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