AVIGNON 2025

Des spectacles naturellement accessibles au plus grand nombre

today20 juillet 2025 57 4

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Si le Festival Off d’Avignon développe des dispositifs d’accessibilité, les spectacles avec langue des signes ou audiodescription sont trop rares. Cependant on pourra découvrir bien des spectacles… Petite sélection et coups de cœur.

 Affichage du site Internet modulable en fonction du handicap (dyslexie, malvoyance, daltonisme…), avec Facil’iti en modifiant en haut à droite (même si compliqué pour les personnes aveugles), plan interactif, pictogrammes dans le programme, points d’accueil et de vente adaptés, tarifs réduits, ligne SMS pour les festivaliers sourds ou malentendants, prêt de fauteuils roulants, toilettes PMR (personnes à mobilité réduite)… de nombreux efforts ont été fait pour accueillir les festivaliers en situation de handicap.

Il est possible de faire des recherches sur le site et le plan interactif avec le critère de l’accès PMR des théâtres, malheureusement les informations sont déclaratives. Il ne faut pas hésiter à appeler ou passer pour vérifier l’accessibilité des lieux, car l’on peut avoir de mauvaises -comme de bonnes- surprises.

Il y a un pictogramme pour les spectacles accessibles aux personnes handicapées auditives (une oreille) ou visuelles (un œil) mais là aussi les informations sont déclaratives et pas toujours fiables.

Utiliser dans tous ces cas l’onglet « + de filtres » puis Accessibilité et choisir : Salle accessible PMR ; Accessible aux déficients auditifs ; Accessible aux déficients visuels plus nombreux que sur la page du programme. Sinon se reporter aux pages 466 à 470 du programme.

 

Des artistes venus des quatre coins de France et du monde entier présentent des spectacles dans toutes les disciplines artistiques : théâtre, cirque, danse, clown, poésie, lecture, musique, magie, marionnettes, humour, spectacles pour enfants, one man show… Et le festival Off, ce sont aussi des débats, rencontres, ateliers.

Pour les personnes sourdes qui parlent la langue des signes française (LSF) la recherche peut se faire dans la rubrique langue. En 2025 deux spectacles seulement l’intègrent : 2, une « odyssée visuelle » entre danse et théâtre pour tous à partir de 3 ans. C’est « Une expérience sensorielle et inclusive. Pensé pour les spectateurs sourds et entendants, 2 propose une double lecture où chacun, selon sa perception, capte les émotions et les messages. Une danse qui se lit avec les yeux, se ressent avec le cœur et invite les enfants à entrer dans le monde des relations humaines par la porte de l’intuition. » Et Love oh love création venant de Taïwan, inspirée des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, jouée en anglais et français, serait aussi interprété en langue des signes françaises. Deux spectacles de danse d’Iris Mirnezami : Le jardin de Dahi et Le pouvoir des filles intègrent ou s’inspirent de la LSF.

Les spectateurs sourds ou malentendants pourront découvrir les spectacles naturellement accessibles : danse, cirque, mime, magie, clown, théâtre visuel… ou les spectacles en langue étrangère sous-titrées, une vingtaine, l’occasion de découvrir des créations venues d’ailleurs.Comme par exemple Scotland, quand trois jeunes d’Australie, de Suède et d’Angleterre formés à l’école Jacques Lecoq à Paris, nous plongent au cœur de l’Ecosse, grimpent des montagnes, et font apparaitre des oiseaux, une barque, un cerf, du whisky, avec la participation du public pour son plus grand bonheur. Poétique et inventif, un coup de cœur.

A voir aussi, un spectacle de cirque africain, Yongoyely, prodigieux. Ou pour de la danse direction le Théâtre Golovine.

 

 

 

 

Les spectateurs déficients visuels se tourneront vers les spectacles avec texte et moins de comédiens (par exemple Enfance ou Pour un oui pour un non (2 versions) de Nathalie Sarraute, Le silence de la mer de Vercors jouée par deux compagnies, Les Essais de Montaigne ou Les travailleurs de la mer de Victor Hugo suivant ses goûts ; de la musique : plusieurs spectacles autour de Barbara ou Brel, des concerts sont aussi donnés les jours de relâche) ; des humoristes, avec des reprises de Sylvie Joly ou Devos, et la nouvelle génération avec Marc Tourneboeuf, l’Impatient, ou Marion Mezadorian avec Craquage, drôle et profond. La programmation de la Maison de la parole, au cœur d’Avignon met « l’accent sur l’oralité, la musique, l’écriture » avec des auteurs comme Christian Bobiin ou Gabriel Garcia Marquez, ou une curiosité que serait la vie en alexandrins, c’est Douze de Jean-Pierre Brouillaud.

 

Quant à l’audiodescription, elle est proposée seulement pour le spectacle Guillaume et les garçons à table, interprété par le comédien malvoyant Sebastian Trente, à deux dates les 12 et 24 juillet, avec découverte des décors, accessoires, personnages avant la représentation et audiodescription en direct pour tous (description des éléments visuels du décor, des déplacements, des personnages…).

 

Parmi nos coups de cœurs, Alexeï et Yulia, met en scène la dernière soirée du couple alors que le principal opposant russe, qui a été empoisonné et hospitalisé dans le coma à Berlin, s’apprête à repartir à Moscou. Sa femme lucide tente de l’en dissuader au nom de leur amour et pour le sauver, un face à face puissant, passionnel, où surgissent les dilemmes humains et politiques, inspiré du journal de prison de Navalny.

Après le succès de An Irish story, Kelly Rivière a écrit et interprète La vie rêvée, autobiographique également, l’histoire d’une petite fille qui se rêvait danseuse étoile et est devenue comédienne, entre castings, petits rôles et boulots alimentaires… Comment tenir dans cette situation fragile, savoir si on est dans la bonne voie, surmonter les doutes, repousser les critiques ? Kelly interprète une galerie de portraits, parmi lesquels sa grand-mère paternelle Mamie Nana, chante, passe de l’anglais au français avec une aisance stupéfiante et émouvante.

Une exploration des sons du quotidien inventive et enrichissante, c’est Silence Vacarme, avec Claire Rappin, actrice, chanteuse et musicienne, démarrée après le confinement. Sur le plateau des radios, enceintes, cassettes, micro et autres instruments, font surgir les bruits des jardins, les oiseaux, les battements du cœur, les voix de sa famille émigrée espagnole… Pour s’interroger sur notre écoute.

 

« J’ai écrit une opérette, une chose comique, parce que je pense que le rire, même dans les situations les plus tragiques, est un élément revivifiant. On peut rire jusqu’à la dernière minute. » écrit Germaine Tillion, déportée à Ravensbrück en 1943. Pour tenir elle arrive à écrire, alors que c’est interdit, une opérette avec ses camarades, qui alterne les parties de revue et la conférence d’un naturaliste sur « l’espèce » particulière des déportées, leurs caractéristiques et leurs réactions. C’est le texte non retouché  qui comprenait des annotations sur les airs à chanter, qui est présenté dans une mise en scène de Claudine Van Beneden qui joue également, Une opérette à Ravensbrück, avec  4 autres comédiennes et chanteuses formidables et un musicien sur scène.  Une œuvre à découvrir.

 Autre grand coup de cœur, le nouveau spectacle de Medhi Djaadi, Couleur framboise. Partant de son expérience de l’infertilité masculine, il fait parler ses voix musulmane, catholique et athée, s’interroge et nous interroge avec délicatesse et humour sur les questions éthiques, humaines, sociales, la masculinité. « Comment faire face à une épreuve existentielle, quelles ressources intérieures pouvons-nous mobiliser ? » Les larmes et le rire se mêlent, avec son authenticité il touche au cœur.

Écrit par: Marie-Claire Brown

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