La Cagnotte d’Eugène Labiche : la mécanique comique déréglée à l’Orangerie du Parc de Bagatelle

Jusqu’au dimanche 24 août 2025, le public parisien a rendez-vous à l’Orangerie du Parc de Bagatelle pour (re)découvrir La Cagnotte, vaudeville d’Eugène Labiche, revisité avec entrain par Thierry Jahn. Plus qu’une simple farce, cette pièce révèle une satire toujours actuelle de la société et de ses ridicules, servie par une mise en scène qui conjugue tradition et vitalité.

Un voyage de rêve… qui tourne au cauchemar

Tout commence dans une petite ville de province, La Ferté-sous-Jouarre, où un groupe de notables s’est constitué une cagnotte. Le but est simple : s’offrir une journée de plaisirs à Paris. Mais chez Labiche, rien ne se déroule comme prévu. Rapidement, la machine s’emballe : escroqueries, malentendus, enchaînement de catastrophes. La virée festive se transforme en une suite de déconvenues, où les provinciaux se retrouvent spoliés de leurs biens, sans le sou, et finalement recherchés par la police.

Cette mécanique de l’échec, typique de Labiche, fonctionne comme une satire impitoyable des ambitions bourgeoises. L’ordre établi se dérègle sous nos yeux, et derrière le rire se dessine une critique sociale d’une grande modernité.

La mise en scène : du vaudeville à la comédie musicale

Thierry Jahn choisit d’assumer pleinement la démesure du texte. Sa mise en scène, vive et rythmée, accentue la dimension musicale et burlesque de l’œuvre. Loin d’un simple vaudeville poussiéreux, La Cagnotte prend ici des allures de fête théâtrale, où la musique et le jeu choral soulignent l’absurdité des situations.

Le choix de l’Orangerie du Parc de Bagatelle ajoute une touche singulière : la beauté paisible du lieu contraste avec le chaos scénique. Ce décalage, loin d’être anecdotique, renforce l’impression d’un monde qui bascule dans le désordre.

Une troupe au diapason

Côté interprétation, la distribution s’impose comme un atout majeur. Meaghan Dendraël, Xavier Fagnon, Thierry Jahn, Christophe Lemoine, Céline Ronté et Vincent Ropion se partagent avec brio les personnages hauts en couleur. Chacun réussit à rendre son rôle à la fois grotesque et profondément humain.

• Xavier Fagnon impose une énergie comique qui nourrit la mécanique du désastre.

• Céline Ronté, fine et piquante, apporte un contrepoint délicat.

• Thierry Jahn, également metteur en scène, joue avec une justesse réjouissante, donnant au spectacle une cohésion rare.

On sent une véritable complicité entre les comédiens, qui savent se relancer et créer une dynamique collective sans jamais perdre de vue la précision du texte.

Une critique toujours pertinente

Au-delà du rire, La Cagnotte reste une pièce d’une actualité frappante. Labiche met en lumière la petitesse des ambitions, la naïveté des provinciaux en quête de reconnaissance, et la violence sociale qui guette derrière la façade des bonnes manières.

En 2025, alors que nos sociétés oscillent entre excès consuméristes, illusions collectives et peur du déclassement, ce vaudeville fait écho à bien des travers contemporains. La mise en scène de Thierry Jahn ne se contente pas de divertir : elle réactive la dimension critique de Labiche, rappelant que sous le rire se cache une féroce mise en accusation.

Verdict

Cette Cagnotte se révèle être une réussite à la fois comique et critique. Rythme, énergie, précision du jeu : tout concourt à faire de ce spectacle une soirée réjouissante, où l’on rit des mésaventures des personnages tout en réfléchissant, en filigrane, à nos propres travers collectifs.

👉 Si vous cherchez un théâtre qui divertit autant qu’il interroge, ne manquez pas cette Cagnotte à l’Orangerie du Parc de Bagatelle, jusqu’au 24 août 2025.