URGENCE : une déflagration scénique au Festival de l’Opéra de la Parole

C’est au Théâtre de la Concorde, dans le cadre du très attendu Festival de l’Opéra de la Parole, que Speed Radio s’est infiltrée pour assister à Urgence, la dernière création des Grandes Gueules du 75, mise en scène par Morales Malek. On en est ressorti sonnés. Littéralement. Pas juste conquis, pas simplement émus : secoués jusqu’à l’os par un spectacle qui ne laisse aucune échappatoire, et qui nous rappelle, avec une justesse implacable, pourquoi le théâtre est et doit rester un art vital.

Un projet incandescent né d’un feu collectif

Morales Malek n’a pas cherché des profils, des CV, des têtes d’affiche. Il a cherché des voix. Des présences. De la vérité. Ce qui a commencé comme une simple audition ouverte a viré au raz-de-marée : plus de 2 000 candidat·e·s, et au bout de trois jours, une troupe de 25 comédien·ne·s réunie non par hasard, mais par nécessité. Trois mois de création plus tard, le résultat est là, incandescent : Urgence, une pièce qui ne cherche pas à plaire, mais à réveiller.

Et il faut le dire sans détour : ce collectif a du génie brut. On ne serait pas surpris et on le dit avec toute la certitude que cette claque scénique nous a laissée de retrouver une grande partie de ces jeunes comédiens sur les plus grandes scènes françaises dans les années à venir. Ils ne sont pas en devenir : ils sont déjà là. Et ils brûlent la scène.

Une nuit sous tension : théâtre du réel, parole libérée

Le pitch est simple, presque banal : une nuit à Paris, un jeune homme entre la vie et la mort après une fusillade. Ses amis débarquent aux urgences, où ils croisent d’autres patients venus d’horizons opposés. La salle d’attente devient huis clos, champ de bataille, laboratoire social.

Mais là où d’autres auraient sombré dans le cliché ou la caricature, Urgence trouve la justesse du vécu. Les dialogues claquent, les silences parlent. La violence est là, bien sûr, mais elle est encadrée par une profonde humanité. Le texte de Malicia est chirurgical : chaque mot coupe, chaque phrase marque.

Un théâtre qui percute, sans compromis

Pas d’effets de manche, pas de mise en scène décorative : ici, tout est au service du propos. Morales Malek et Antoine Bottrel, avec le regard engagé de Philippe Torreton en parrain artistique, ont misé sur le choc des voix, la frontalité, l’émotion brute. Et ça fonctionne à chaque instant.

La scénographie, épurée mais tendue comme un fil, laisse toute la place à la parole. Le travail sonore accentue la pression, les respirations sont rares, et quand elles arrivent, elles sont pleines de sens. On n’est pas dans le divertissement : on est dans une expérience. Un miroir tendu à une société éclatée, où les fractures sociales, raciales et générationnelles s’exposent sans filtre.

Critique acérée, intensité sans relâche

Ce qui frappe, c’est la maturité de l’écriture et du jeu. On oublie vite l’âge des comédiens. Leur engagement est total, leur présence, bouleversante. On sent la rage de dire, mais aussi l’intelligence du silence. C’est une leçon de théâtre, mais aussi un acte politique.

Et il faut le souligner : ce spectacle n’est pas simplement « bon pour un projet jeune »  il est bon, point. À tel point qu’on peut affirmer sans trembler : il ridiculise bien des productions institutionnelles, engluées dans le confort ou l’entre-soi.

Le verdict de Speed Radio ?

On pourrait dire que c’est un coup de cœur. Mais ce serait trop faible. Urgence, c’est un électrochoc. Un rappel que le théâtre peut encore changer quelque chose. Qu’il peut être un lieu de feu, de friction, de fraternité. Ce que nous avons vu sur scène, c’est l’émergence d’un collectif rare, précieux, que l’on espère voir éclore encore et encore.

Ne vous y trompez pas : ces comédiens sont la relève. Non, ils sont le présent, et leur voix est déjà indispensable.

🎭 Urgence, par Les Grandes Gueules du 75
🗓️ Festival de l’Opéra de la Parole
📍 Théâtre de la Concorde
🎙️ Une claque théâtrale. Un cri nécessaire. Une promesse d’avenir.