Les fragilités et les handicaps à l’affiche du festival Off d’Avignon 2/3

Comment se repérer parmi les plus de 1 700 spectacles dans tous les styles à l’affiche du festival Off d’Avignon ? Petite sélection autour du thème des handicaps traité avec sérieux ou humour, pour interroger et faire changer le regard. 2^e volet.

Voir autrement

Les mains glissent légères sur le papier blanc, ornées de deux belles bagues rouges, les petites bosses du braille sont imperceptibles à nos yeux, Nathalie Milon actrice et chanteuse non-voyante, dit des poèmes de Christophe Tarkos, dans Deux mains disent Tarkos, nous plongeant tour à tour dans le noir ou la lumière des lampes autour d’une table et d’une chaise. « Les textes de Christophe Tarkos sont pour moi, une grande partition de musique contemporaine, explique t-elle. Chaque poésie m’enveloppe de textures sonores inattendues qui m’invitent à explorer, à entrer plus profond dans les couleurs de mon timbre. (…) Travailler sur Tarkos c’est chaque fois enfiler une seconde peau qui me permet de vivre l’humour, le fantastique, l’absurde, le sensible en une seule traversée. » La mise en scène sobre de Claudine Hunault, s’appuyant sur différents outils autour du braille, de la canne blanche… nous immerge au cœur de cette langue brute et poétique. A découvrir !

Revenant à Avignon avec La couleur des souvenirs, Fabio Marra ne cesse de nous émouvoir avec des pièces autour des relations familiales, souvent difficiles. Ici, l’excellent peintre Vittorio qui malgré son talent, s’est cantonné à imiter les peintres célèbres, perd progressivement la vue en raison d’une DMLA (Dégénérescence maculaire liée à l’âge). Débarquent dans sa vie, sa sœur et son fils, sauront-ils renouer le temps perdu, voir autrement le passé ? Les comédiens, parmi lesquels Dominique Pinon, Catherine Arditi et l’auteur, sont formidables, les décors soignés et la mise en scène enlevée.

Souvent portée à l’écran ou sur scène, la vie d’Helen Keller, devenue sourde et aveugle à quelques mois, est ici proposée par une compagnie coréenne sous le titre Ma chère Helen. Hormis quelques mots d’introduction aux différentes parties, sous-titrés en français, le spectacle est très visuel retraçant trois épisodes de sa vie avec des comédiennes danseuses : toute petite quand elle découvre le lien entre les mots et les objets, puis à Harvard découvrant l’amour, la sexualité et la solitude, et enfin voyageant et donnant des conférences. Universel.

Percevoir le monde différemment

Une vie sur mesure  de et avec Cédric Chapuis, fête ses 15 ans au festival Off d’Avignon, après denombreux prix. Il raconte l’histoire d’Adrien Lepage, « juste différent » et surdoué. Un artiste autiste peut être, qui se découvre une passion pour la batterie, « une expérience sensorielle et émotionnelle »…

Jeu  montre avec des inventions scéniques et des marionnettes, les difficultés et le pouvoir de l’imaginaire que peuvent rencontrer, malgré tous leurs efforts, les enfants avec des troubles dys dans la vie quotidienne et à l’école. Poétique.

Colin, un collégien bègue, se découvre à travers le théâtre et ce personnage emblématique qu’il doitinterpréter Dans la peau de Cyrano. Nicolas Devort, seul en scène, incarne tous les personnages. Drôle et touchant.

Parler de sa singularité, en jouer et en faire une force, sensibiliser aussi, c’est ce que font trois jeunes humoristes dans leur seul en scène.

« Je suis humoriste et bègue (…) Le bégaiement c’est la chance de ma vie parce que j’en ai toujours profité pour faire chier les gens », exemples à l’appui ! Déjà sur la scène du festival Off, passage à La France a un incroyable talent, membre de la troupe du Jamel Comedy Club, participaton au Montreux Comedy festival, Valentin Reinehr, aussi dyslexique et haut potentiel intellectuel (HPI), n’est pas un débutant. Il revient avec A ma place ! le 22 juillet pour une seule date.

Avec Dyspraxie, Hugo Martin annonce d’emblée la couleur. Après les incompréhensions, le harcèlement il trouve sur scène un chemin de résilience.

Thomas Gregot-Tricoire voit la dyslexie chambouler tous ses projets et raconte dans Artichaut, son « parcours de mec drôle et sensible », jouant de l’autodérision.