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On ne choisit pas sa famille, mais choisit-on bien ses amours ? Voilà le fil rouge de Chocolat Piment, comédie signée Christine Reverho et mise en scène par David Teysseyre, actuellement à l’affiche de La Scène Parisienne. Derrière ce titre épicé, se cache une pièce où les saveurs de la vie familiale se mélangent, entre douceur et piquant, rires et règlements de comptes.
Le point de départ est simple, mais diablement efficace : Paul, patriarche bougon et un brin tyrannique, fête son anniversaire. Ses deux filles, Stéphanie et Caroline, ont décidé d’organiser un dîner en son honneur. Un moment de partage qui devrait être festif… mais qui se transforme rapidement en un huis clos tragi-comique où chacun règle ses comptes. La présence de Franck, gendre envahissant et grand amateur de bonnes bouteilles, vient ajouter une dose de chaos à la soirée.
Cette mécanique dramatique est un classique des comédies françaises contemporaines on pense évidemment à Un air de famille ou Cuisine et dépendances. Mais loin d’un simple pastiche, Chocolat Piment s’approprie ce canevas pour y injecter sa propre énergie, ses dialogues ciselés et un humour qui, sous ses airs légers, interroge nos propres rapports familiaux.
La force de la pièce tient avant tout à la plume de Christine Reverho. Chaque personnage est écrit avec soin, doté de contradictions, de failles et de désirs inavoués. Les dialogues, vifs et percutants, alternent entre sarcasmes, quiproquos et aveux inattendus. On rit beaucoup, parfois jaune, tant certaines répliques font écho à des situations que chacun a déjà vécues : la sœur qui se sent délaissée, le père qui refuse de lâcher prise, le gendre qui joue les trouble-fêtes…
Cette écriture donne une dimension universelle à la pièce : si l’on s’amuse des travers des personnages, c’est aussi parce qu’ils nous ressemblent. Chocolat Piment met en lumière l’ambivalence de nos relations intimes, où l’amour côtoie l’agacement, où les liens du sang se renforcent autant qu’ils étouffent.
La mise en scène de David Teysseyre se révèle à la hauteur de ce texte savoureux. Le décor, simple et efficace, évoque un intérieur familial reconnaissable par tous, et devient le théâtre des petites explosions du quotidien. Le rythme, soutenu sans être précipité, permet aux situations de s’installer et aux tensions de monter crescendo, jusqu’à atteindre un comique de situation jubilatoire.
Le metteur en scène joue habilement sur les silences, les regards et les gestes du quotidien, donnant à la pièce une vérité scénique qui renforce encore son impact. Le rire naît autant des répliques que des attitudes, des soupirs ou des maladresses des personnages.
La pièce repose également sur la complicité et l’énergie de ses interprètes. Anthony Allard, Lydia Cherton, Jean-David Stepler et Aurélie Treilhou campent des personnages attachants et profondément humains, sans jamais tomber dans la caricature. Chacun trouve le juste équilibre entre drôlerie et émotion, offrant au public une galerie de portraits à la fois crédibles et irrésistibles.
Le duo formé par les deux sœurs fonctionne à merveille : entre rivalités fraternelles et tendresse inavouée, leur relation constitue l’un des cœurs battants de la pièce. Quant à Paul, figure paternelle bourrue, et Franck, gendre indélicat, ils incarnent deux pôles comiques qui alimentent le conflit et dynamisent le récit.
À l’image de son intitulé, Chocolat Piment est une pièce qui mélange subtilement douceur et piquant. Derrière les rires, elle questionne avec finesse la place de la famille dans nos vies : peut-on vraiment se libérer du poids des attentes parentales ? Les liens familiaux sont-ils un refuge ou une prison ? Et que se passe-t-il quand l’amour, choisi ou subi, s’invite dans cette équation fragile ?
Le public sort de la salle avec le sourire, mais aussi avec une impression familière : celle d’avoir assisté à une tranche de vie universelle, à la fois singulière et profondément collective.
Avec Chocolat Piment, Christine Reverho et David Teysseyre livrent une comédie intelligente et jubilatoire, portée par des comédiens investis et une écriture mordante. À mi-chemin entre la chronique familiale et la satire tendre, le spectacle réussit le pari de divertir tout en touchant à l’intime.
📍 Chocolat Piment est actuellement à l’affiche de La Scène Parisienne.
Écrit par: SPEED