AVIGNON 2025

Festival OFF d’Avignon : Al Capone, le gangster devient légende sur scène

today21 juillet 2025 98 4

Arrière-plan
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Après avoir revisité Sherlock Holmes, mêlé philosophie et humour, et fait vibrer Carmen sur scène, Christophe Delort revient au Festival OFF d’Avignon avec un projet ambitieux : raconter l’ascension et la chute d’un personnage devenu aussi mythique que redouté Al Capone. Et le pari est plus que réussi. Le metteur en scène signe ici un spectacle dense, haletant, terriblement bien écrit, qui tient autant du thriller politique que du drame humain.

 Une fresque théâtrale au souffle cinématographique

Dès les premières minutes, le public est transporté dans le Chicago des années 1920, en pleine prohibition, où le crime organisé prospère sous l’œil fermé d’une police corrompue et d’un peuple désabusé. Dans cet univers sombre et agité, un homme s’impose : Al Capone, stratège froid, orateur charismatique et baron de la contrebande. Porté avec intensité par Alexandre Putfin, Capone est ici un personnage complexe : tour à tour séduisant, terrifiant, presque vulnérable, et toujours sur le fil du rasoir.

Le texte de Delort évite la caricature facile. Il donne à voir un homme pétri de contradictions, tiraillé entre la violence nécessaire à son ascension et la quête d’un pouvoir absolu qui finit par l’engloutir. C’est toute la force de ce spectacle : faire de Capone non seulement un symbole de la criminalité américaine, mais aussi une figure tragique en lutte contre le système… et contre lui-même.

 Tension dramatique et précision historique

Sur scène, le récit s’articule en tableaux vivants, rythmés par une narration fluide et des dialogues percutants. La mise en scène est sobre, efficace, tendue, parfois proche du théâtre de l’action, parfois plus introspective. Elle réussit à recréer toute l’atmosphère de l’époque avec très peu d’artifices : quelques accessoires bien choisis, une lumière travaillée, une bande-son soignée… et surtout un jeu d’acteurs d’une redoutable justesse.

Florian Maubert, Bénédicte Bourel, Lionel Espitalier, Alain Tourniaire, Bruno Chapelle, sans oublier Christophe Delort lui-même, composent une galerie de personnages saisissante : Eliot Ness, les rivaux mafieux, les complices, les figures politiques… Tous dessinent une époque gangrenée, où l’argent et la peur gouvernent plus sûrement que la loi. Le spectateur assiste à une chute orchestrée avec une redoutable précision, comme un engrenage qui se referme lentement sur son héros.

 Un spectacle intelligent, tendu et moderne

Au-delà du récit historique, Al Capone parle aussi de notre rapport au pouvoir, à la popularité et à la morale. Le spectacle interroge sans jamais juger, et met en lumière une époque où la crise économique transforme les criminels en figures populaires. Il rappelle aussi que l’ennemi public n°1 n’est parfois que le reflet d’une société à bout de souffle.

La fameuse réplique de Capone  « On peut obtenir beaucoup plus avec un mot gentil et un revolver qu’avec un mot gentil tout seul » résonne ici comme un avertissement cynique… et tristement universel.

En résumé : un polar théâtral réussi, une relecture puissante d’une légende noire, un moment de théâtre rare et intense.

À voir absolument au Festival OFF d’Avignon. Une œuvre à la fois populaire et exigeante, où l’Histoire et le théâtre s’allient pour faire surgir le frisson.

Écrit par: SPEED

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